Mozinor, la construction d’un hôtel industriel pour maintenir l’emploi à Montreuil
Dans un contexte de désindustrialisation accélérée en région parisienne à partir des années 60, Montreuil est durement touchée par les destructions d’emplois. Pour y faire face, le conseil municipal décide le projet de construction d’un hôtel industriel. Mozinor, qui mettra près d’une décennie à se réaliser, finira par devenir un patrimoine architectural unique en avance sur son temps.
De prime abord, on s’interroge sur la nature de cet étrange édifice : Un château fort avec ses douves et ses tours crénelées ? Une maison d’arrêt d’un nouveau style ou un gigantesque navire de pierre à la fonction mal définie arrimé dans les Hauts de Montreuil ? Rien de tout cela. C’est plus simplement la première zone industrielle nord de Montreuil (Mo.z.i.nor) créée le 2 décembre 1963 par le conseil municipal avec l’objectif de réindustrialiser la ville et d’y implanter, à terme, 10 000 emplois. Cette décision se heurta cependant à l’opposition des habitants puisque l’opération nécessitait la destruction de près de 200 pavillons. On préféra donc construire un hôtel d’entreprises vertical, plus respectueux de l’environnement et du cadre de vie.
Une réponse volontariste adaptée aux mutations industrielles
À l’époque, les élus souhaitent anticiper les effets dévastateurs d’une crise économique. Les plus anciennes industries disparaissent petit à petit, celles du bâtiment, celles qui traitent le bois, celles qui fabriquent les jouets comme celles qui transforment les peaux. Entre 1962 et 1966, 1 500 emplois quittent la ville et une cinquantaine d’entreprises ferment leurs portes. En une décennie, un tiers des entreprises montreuilloises cessent toute activité. Pour la seule année 1970, le secteur secondaire perdra 1 200 emplois. Certains, comme les pianos Klein ou la Compagnie industrielle des céramiques électroniques se maintiennent avec difficultés, mais la majorité des salariés des entreprises vivent dans l’appréhension du chômage. Dans ce contexte, le conseil municipal décide, le 21 mars 1972, de réaliser une ZAC (zone d’aménagement concerté) à caractère industriel et approuve définitivement le projet concernant l’hôtel industriel Mozinor.
Un choix urbanistique atypique et novateur
Les architectes Gilbert-Paul Bertrand et Claude Le Goas imaginent un bâtiment industriel comprenant 42 000 m2 de locaux d’activités. Initialement l’ensemble devait couvrir 32 hectares et s’étendre sur plus d’un kilomètre. Seuls trois hectares seront réalisés et achevés en 1975. Réalisée sur une dérivation autoroutière, cette première véritable zone industrielle en hauteur aménagée en France, saluée en 1977 par la revue La Construction moderne comme une « impressionnante construction, dont le style s’insère harmonieusement dans l’urbanisme environnant », offre aux industriels un volume modulable selon leurs besoins et des services communs tels que le parking, l’accueil, le gardiennage, la sécurité, etc…
Historiquement, Mozinor constitue donc une réponse audacieuse proposée aux entreprises qui ont besoin d’espace mais refusent la délocalisation parce qu’elles ont besoin de rester à proximité de la capitale[1]. Mais au-delà de ce caractère, il faut souligner à quel point Mozinor a été précurseur en matière d’écologie. Outre la singularité des larges terrasses végétalisées qui composent les toits – et qui ont vu naître les premières soirées de musique électronique dans les années 1990 – cette cité industrielle verticale constitue une alternative à l’étalement urbain en limitant la consommation d’espace au sol. Elle s’insère ainsi dans un milieu urbain où se côtoient entreprises, serres horticoles, logements sociaux, habitat pavillonnaire et murs à pêches.
[1] Les 42 000 m2 de plancher de Mozinor accueillent aujourd’hui une cinquantaine d’entreprises.