La Compagnie des boissons vivantes : bocks en stock
Jusqu’à un passé récent, l’amateur de bière devait le plus souvent se contenter d’un insipide tout-venant houblonné pour étancher sa soif. Ça, c’était avant. Depuis 2010, la Compagnie des boissons vivantes redouble d’efforts et d’ingéniosité pour que la bière ne soit plus le parent pauvre de l’apéritif ou du repas en distribuant, aux professionnels, des breuvages triés sur le volet.
« Vendeur de bière ? On ne savait même pas que c’était un métier. Quand on a commencé à l’exercer, c’était un rêve ». Ce rêve, Cyril Lalloum le vit depuis 10 ans. Voilà ce qu’on appelle une reconversion réussie. Le gérant de La Compagnie des boissons vivantes (LCBV), ancien ingénieur informaticien, n’a pas la nostalgie du clavier ou de la souris.
Là, il déguste, l’air apaisé, une de ses dernières trouvailles, une bière italienne légère de chez Cr/ak.
Tout a commencé sur le conseil d’un ami. « Il m’a simplement fait remarquer que j’avais l’air de m’ennuyer au boulot – ce qui n’était pas totalement faux – et qu’il me verrait bien derrière un bar ». Cyril décide donc, à la faveur d’un licenciement, d’imprimer un virage à 180° à son parcours professionnel. Il part à la découverte du monde de la bière et sillonne la France des brasseurs. Un univers fascinant porté par sa passion et sa convivialité. Véritable autodidacte, il apprend beaucoup au contact de ces artisans et en revient avec deux convictions. La première c’est qu’il ne boira plus de Leffe. « Une révolution. Pendant 15 ans, ils m’ont fait croire qu’ils faisaient de la bonne bière ». La seconde c’est qu’il ne deviendra pas lui-même brasseur malgré le regain d’intérêt pour ce métier (la France comptait 2200 micro-brasseries en 2020). « C’est mon côté perfectionniste. Je me disais que je ne serais jamais assez bon pour produire une bière de grande qualité. Je me suis donc concentré sur la dégustation de celles des autres » plaisante-t-il.
Chasse aux mètres carrés
Formé à la biérologie sur le tas, l’homme initie, avec trois acolytes, les Soirées maltées qui réunissent les amateurs de bière sur des péniches parisiennes. Ces rendez-vous rencontrent un vif succès que Cyril explique ainsi : « Nous mettions les brasseurs au centre de l’événement au lieu de les cantonner au simple rôle de serveurs ». Très attaché à la dimension humaine de la craft beer, l’homme définit une bière artisanale comme la boisson dont on peut assister à la fabrication et dont on connaît le producteur. Aux antipodes des mastodontes du secteur tels Kronenbourg en France ou Heineken en Hollande.
La Fine mousse, qui œuvre toujours dans le 11e arrondissement parisien, sera le second étage de la fusée. Fort de 20 becs pression et de 120 références en bouteille, ce bar devient the place to be pour les amateurs de bière. La création, dans la foulée, d’un restaurant éponyme s’imposera comme une évidence pour nos quatre entrepreneurs bien décidés à hisser la bière au même rang que le vin, en la plaçant au centre de la table. Parallèlement à cette activité de restauration avant-gardiste, la Fine mousse commence à distribuer quelques bières. Rapidement un besoin d’espace, auquel les coursives du restaurant ne peuvent plus répondre, se fait sentir. Un copain vient alors à la rescousse et prête 4m² à Drancy. Un autre, à Pantin, octroie une pièce, puis une seconde. « Quand on a une croissance qui nécessite 10 m² supplémentaires chaque mois, ça fait plaisir » indique Cyril. Confrontée à une demande de plus en plus forte, l’activité de distribution prend son envol en 2016 et devient autonome. La Compagnie des boissons vivantes était née avec « un nom trop long » concède notre homme. En s’installant en 2018 à Mozinor, dans 1000 m², le distributeur sait qu’il dispose désormais d’une certaine marge qui le dispense, pour l’heure, de repartir dans cette chasse effrénée aux mètres carrés. Son local offre aussi l’avantage d’afficher une température stable tout au long de l’année. Une spécificité qui permet à LCBV de rester fidèle à ses convictions environnementales en évitant de dépenser d’importantes quantités d’énergie pour maintenir la douceur requise pour la conservation de la bière.
Malgré une croissance annuelle à 2 chiffres, la Compagnie en a aujourd’hui suffisamment sous le pied en matière de stockage pour envisager sereinement son avenir montreuillois.