Remarquable Mozinor

Désormais auréolé du label Architecture contemporaine remarquable, Mozinor est officiellement reconnu comme une pièce majeure du patrimoine francilien. Une distinction qui salue, notamment, l’esprit d’innovation qui a présidé à son édification au début des années 70.

Fallait-il être visionnaire pour imaginer, au tournant des années 70, un bâtiment qui répondrait aux problématiques de notre temps ? Assurément. Voilà sans doute qui explique, pour partie, l’octroi, par le ministère de la Culture, du label Architecture contemporaine remarquable à Mozinor. L’hôtel industriel montreuillois rejoint ainsi le cercle très fermé des édifices franciliens les plus créatifs. Figurent à ses côtés l’Institut du monde arabe, le Centre Pompidou, le Forum des halles ou encore le Musée du Quai Branly Jacques Chirac.

L’entrée principale de Mozinor / © Olivier Mathiotte/LMDP

Verticalité

Remarquable, Mozinor l’est à plus d’un titre. Sa singulière verticalité suffirait, à elle seule, à le distinguer. Cette conception – unique en France – doit beaucoup à l’hostilité des riverains au projet initial qui aurait dû s’étendre sur 30 hectares avec, comme dommage collatéral, la destruction de 200 pavillons. Retoqué par la population en 1969 lors de l’enquête d’utilité publique, le projet a dû se réinventer afin de concilier le souhait des élus montreuillois de maintenir une activité industrielle en ville sans sacrifier au passage le tissu résidentiel et horticole. Pas question pour la municipalité de l’époque de lutter contre l’exode des sociétés en provoquant celui des résidents. Un défi relevé par Claude Le Goas et Gilbert-Paul Bertrand. Loin de voir cette exigence de la ville comme une nouvelle quadrature du cercle, les architectes ont redoublé d’ingéniosité. Plutôt que de déployer une zone industrielle horizontale – comme tant ont essaimé en Île-de-France – ils ont opté pour la superposition des entreprises les unes au-dessus des autres. Pour autoriser leur communication et les livraisons, il « suffirait » de construire une double rampe hélicoïdale au centre du bâtiment sur laquelle les camions joueraient leur partition sans jamais se croiser. Une pièce magistrale d’ingénierie vue par certains comme le pendant industriel du fameux escalier de Chambord, un temps attribué à Léonard de Vinci par la légende.

Résultat : les 42 000 m² que se partagent les 50 entreprises de Mozinor ne consomment que 3,2 ha de terrain, soit une empreinte foncière divisée par 10 par rapport au projet initial.

Détail d’un claustra / © Olivier Mathiotte/LMDP

Modernité

Remarquable, Mozinor l’est également pour sa modernité. Alors que le site flirte avec le demi-siècle, il apporte une réponse très pertinente à nos problématiques les plus contemporaines. Comme l’a souligné, Patrice Bessac, le maire de Montreuil à l’occasion de l’obtention du fameux label : « Il y a un trait de génie dans cette verticalité qui permet de maintenir la cité industrielle au cœur de la ville ». Cette proximité entre lieu de production et lieu d’habitation, par opposition aux zones industrielles construites en périphérie, illustre le concept cher à Claude Le Goas de « ville sur la ville ». À l’heure de l’urgence climatique, ce choix s’impose comme une évidence pour toutes les économies de temps de trajet et d’émissions de CO2 qu’il permet. Claude Le Goas a également installé en toiture un vaste jardin suspendu de 2 ha où s’alignent genêts, tilleuls et cerisiers. Cette audacieuse idée de terrasse végétalisée est aujourd’hui perçue comme un levier majeur de l’adaptation des villes au changement climatique. Enfin, en réduisant l’emprise foncière de Mozinor, l’architecte a également limité l’artificialisation des sols, « une des causes premières du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité » selon le ministère de l’Environnement.

Remarquable !

Secteur III, façade sud, 2e tranche, demande de permis de construire, août 1973.
Source : Service de l’urbanisme de Montreuil-sous-Bois, permis de construire
Elévation du restaurant inter-entreprises, 3e tranche, demande de permis de construire, 18 mars 1974.
Source : Service de l’urbanisme de Montreuil-sous-Bois, permis de construire
Une plaquette de la Sademo pour promouvoir la nouvelle zone industrielle